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  • : Des lire et délires de James NAR
  • : Je vous invite à prendre comptant, voire content, les clichés et les délires de mes jets d'encre qui m'arriment à ce blog.
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  grenouille

Ce matin, l'école est en émoi. Le maître n'est vraiment pas dans son état normal. Mais que lui est-il donc arrivé ? Et comment allons nous pouvoir passer la journée avec un être aussi bizarre ?

 

Qui donc peut nous sortir de cette situation inextricable ? ... .... Elle ! ... Oh non pas elle ! ... Elle est trop maléfique ! Et pourtant ....

Un-matin-d-ecole---JPG

 

 

Mareuil

Il était une fois un petit village comme il en existe des milliers, un petit village avec son église romane et la rivière au pied. Un petit village avec ses rues aux murs de pierres et aux maisons dépareillées. Un petit village avec une place bordée de tilleuls qui semblaient conduire tous les matins les enfants vers le grand portail blanc de l'école. Et dans cette école avec son logement adossé au mur de la cour, un maître d’école bien malheureux.

Tous les soirs après la classe, il arpentait la cour d'un bout à l'autre semblant chercher désespérément au plus profond de lui-même, une réponse que seul son regard désespéré vers le ciel rendait déjà vaine. En effet il avait un problème, ... un problème dans cette classe depuis la rentrée de septembre ..., il n’arrivait pas à se faire entendre.

Ses élèves étaient tellement bavards et pipelettes qu’il ne parvenait pas faire ses cours ou expliquer la leçon, interrompu sans cesse par les bavardages des uns ou les jacasseries des autres. Cela était ennuyeux car il voyait bien que les leçons ne pouvaient être comprises, et que les Dylan, Kylian ou Marjorie, empêchaient l’ensemble de la classe de suivre et progresser comme tout le monde l’attendait.

 

Nous avions passé les vacances de la Toussaint et le malaise était grandissant, il fallait faire quelque chose ; car les élèves les plus sages et sérieux qui voulaient apprendre tant de choses, eux-mêmes se plaignaient de ne pouvoir s’entendre dans cette classe qui tenait plus d’un étal au marché que d’une salle de classe ...

 

Le maître d’école avait bien pensé à s’adresser au Père Noël pour qu’on lui apporte dans ses souliers un pistolet laser qui transforme en statue ; il avait même déjà envoyé sa lettre qu’il avait écrite de sa plus belle plume. Et il avait reçu une réponse du Père Noël qui comprenait bien l’urgence et l’importance de son problème mais qui lui avait répondu que d’une part, il ne pouvait livrer des cadeaux avant la nuit de Noël, et que d’autre part, il n’avait pas l’habitude d’apporter des cadeaux qui pouvaient nuire aux enfants ...

Et ce soir là, en rentrant chez lui après une nouvelle journée bien difficile, il était tellement démoralisé qu’il avoua à sa femme qu’il ne savait plus quoi faire pour améliorer cette situation.

« Pourquoi n’irais-tu pas voir Mortadella ? Peut-être aura –t-elle une idée pour t’aider. On dit qu’elle est capable de choses tout à fait inimaginables et qu’elle est bien moins méchante qu’il ne semble. 

- Tu n’y penses pas rétorqua l’enseignant. Un Maître d’école ne peut s’en remettre à cette sorcière de Mortadella ! »


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Mortadella était une vieille dame qui vivait seule avec son canard à la sortie du village dans une vieille maison de pierres à la lisière de la forêt. On ne la voyait que très rarement, plus exactement une fois par mois, lorsqu’elle venait à la foire pour vendre quelques charcuteries. Certains disaient de cette sorcière qu’elle avait bien des dons, celui de faire fuir les souris, celui de guérir les chats et parfois les enfants ; mais peu de gens du village n’osaient la fréquenter, les quelques visiteurs qui s’aventuraient, venaient souvent de très loin.

 

Le lendemain matin, après une nuit bien agitée, notre maître d’école sans dire un mot, enfila son manteau et quitta le village d’un pas décidé, se dirigeant vers la maison de la sorcière. Arrivé au portillon de bois qui ne tenait debout que parce que la petite bise du matin l’y autorisait, une odeur de puanteur lui fit marquer un temps d’arrêt, mais si près du but et sous le regard de sa femme qui l’observait sans doute de loin, il ne pouvait renoncer. Il frappa trois petits coups à la porte où un rideau en lambeaux empêchait de voir à l’intérieur. Après un temps sans réponse, il frappa à nouveau, plus énergiquement, et une voix interrogea : « Qui va là ? »

« C’est le maître d’école, je voudrais voir Madame Mortadella...

- Entrez, c’est ouvert ... »

 

L

Le maître d’école poussa la porte dans un grincement aigu et se baissa pour éviter les toiles d’araignées en franchissant le seuil. Un canard déambulant sur la table, s’ébroua à la vue du visiteur.

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« ... C’est toujours ouvert ici vous savez,  poursuivit la vieille dame qui restait le dos tourné, occupée devant son évier; il n’y a pas de clé et je n’en ai pas besoin ... »

La vieille était affairée à passer de la viande de grenouilles et de crapauds dans un moulin ...

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« Bonjour Madame, lança le maître d’école, euh ... je m’excuse de vous déranger mais j’ai un gros problème et j’ai pensé que vous pourriez peut-être m’aider.

- Ah ah ah ! s’écria la sorcière en se retournant et balançant en arrière sa longue chevelure ébouriffée, voilà maintenant que les instituteurs demandent de l’aide aux vieilles dames comme moi ! Mais que vous a-t-on appris à l’école cher Monsieur ? ...

Descends de là Roger, dit-elle au canard qui s’énervait.

Quelle est donc cette chose si importante qui vous amène jusque ici ?

- Euh, et bien ... , voilà ... mes élèves ne m’écoutent plus ! ...

Je ne parviens plus à faire mes cours tellement ils ne cessent de parler, je n’arrive même pas à me faire entendre, c’est catastrophique, si je ne trouve pas de solution, ce sera une classe entière de petits idiots que nous aurons à la fin de l’année !

bouteille

 

- Passez-moi la bouteille sur l'étagère derrière vous, demanda la sorcière qui ajouta dans sa viande de grenouilles et de crapauds, un liquide sombre que l'instituteur avait identifier sur la petite étiquette de la bouteille comme sang de serpent.

- La chose est effectivement grave avoua Mortadella, il y a tant de choses à apprendre à l’école, les cycles de lune, la vie de la chouette Effraie, la mue des lézards ou la reproduction des vers de terre ... D’ailleurs, j’ai aussi quelques pelotes de réjection si cela vous intéresse ?

- Mais ... pouvez vous faire quelque chose pour que mes élèves redeviennent attentifs et disciplinés, insista le maître d'école ?

- Vous savez, Maître d’école, il faut expliquer aux enfants ce qu’il arrive aux élèves qui n’écoutent pas. Il faut leur dire que lorsqu’ils auront grandi et qu’ils seront devenus vieux, qu’après leur vie d’homme, ... ils passeront ... dans la vie animale ...

Et là attention, ... ceux qui ne parlaient jamais ou bien très peu, ceux-là seront transformés en pies, ces oiseaux qui jacassent tout le temps et nous cassent les oreilles dès le lever du soleil.

Mais ceux qui au contraire parlaient sans cesse, ceux-là deviendront des poissons, ou au mieux des chats ! Vous avez déjà entendu le son de la voix d’un poisson ? Et les chats, vous entendez les chats qui miaulent à l’autre bout du village ?

Et pire,... le poisson-chat celui qui essaie de miauler toute la journée et qui n’émet pas le moindre son !

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Votre problème est bien ennuyeux et il est effectivement urgent de faire quelque chose sinon il n’y aura plus dans notre village futur, que des poissons. La rivière en regorgera et ils envahiront tous les points d’eau, les mares, les ruisseaux, les fontaines, mais aussi les bassins et les piscines dans les jardins ! Ils n’auront pas assez de nourriture et forcément, ils deviendront féroces, à en interdire la baignade ...»

 

La sorcière ajouta alors dans sa mixture quelques poils de putois pour donner un peu de goût.

« Approchez, vous allez m’aider à terminer mes saucissons à apéritif, indiqua la sorcière, tenez cette peau de couleuvre que j’enfile la viande à l’intérieur.

- Ah ! tais-toi deux minutes Roger, tu peux nous laisser parler ? dit la sorcière à son canard. Mon ancien mari était très timide et discret, mais ce canard me casse vraiment la tête, il n’y a pas moyen de lui clouer le bec !

Pour votre problème, ... je ne vois qu’une solution, ma baguette coupe-voix ».

 

Mortadella la sorcière se dirigea alors vers une armoire au fond de la pièce, et elle revint avec un morceau de bois tordu, certainement une branche de saule tortueux. La branche était lisse et polie car visiblement elle avait déjà beaucoup servi.

 

« Avec cette baguette, je crois que vos soucis seront terminés. Il vous suffira de l’appliquer sur la tête d’un de vos garnements en disant la formule – Abracadabra, poisson rouge si tu bouges, poisson-chat ne parle pas ! – mais il ne faut l’utiliser qu’en cas de nécessité absolue et pas plus que deux fois entre deux nouvelles lunes.

 

- Formidable, s’exclama le maître d’école, je vous suis vraiment reconnaissant.

- Voulez-vous déguster mon saucisson à apéritif avant de partir proposa Mortadella ?

- Eh ben, ... si vous y tenez, ... accepta l’homme qui ne pouvait refuser cela après le précieux cadeau de la baguette magique ...

- Vous savez, c’est du bon, j’en vends dans toutes les foires alentours, je fais partie de la confrérie des Sorcutières diplômées. Avec la sorcière Andouilletta et les druides Salamix et Saucix, nous avons chacun notre spécialité. »

Elle coupa quelques rondelles du précieux bâton de viande et versa d’une bouteille recouverte d’un chiffon, un verre d’un liquide à peine jaunâtre. Les deux hôtes trinquèrent alors à la réussite du plan qu’ils venaient d’échafauder et Mortadella balança une rondelle de saucisson à Roger. Mortadella but son verre d’un trait et saisit le torchon de la bouteille pour s’essuyer la bouche. C’est alors que l’invité aperçut le lézard qui nageait dans la bouteille et il dut se retenir pour ne pas vomir malgré le goût non désagréable de cet apéritif particulier.

Aussi il ne s’éternisa pas et repartit bien vite vers le village, la baguette de bois à la main, se répétant la formule magique :

« Abracadabra, poisson rouge si tu bouges, poisson-chat ne parle pas ! »

 

... Arrivé à la maison, il eut bien des choses à raconter à sa femme qui n’en revenait pas de cette aventure. Mais soudain, le maître d’école commença à se poser des questions. Devait-il faire confiance à cette sorcière Mortadella ? Cette baguette magique n’allait-elle pas transformer les élèves en grenouilles, en crapauds ou directement en poissons ? Comment pouvait-il être sûr de ne pas mettre ses élèves en danger ?

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Le maître d’école plaça alors l’extrémité de la baguette tortueuse sur sa tête et il dit « Abracadabra, poisson rouge si tu bouges, poisson-chat ne parle pas ! » ...

Dans un premier temps, il ne sentit rien, ... mais lorsqu’il voulut le dire à sa femme, ... il n’avait plus de voix ! Il avait beau articuler et forcer de toutes ses cordes vocales, aucun son ne sortait de sa bouche ! Très vite il fut pris de panique à l’idée d’être devenu muet et se mit à tourner dans toute la maison. Quel désastre, comment un maître d’école allait-il pouvoir faire classe s’il ne pouvait parler ?... Il prit alors un papier et un crayon pour demander à sa femme d’aller demander à Mortadella comment il pourrait retrouver la parole. L’épouse paniquée courut à toutes jambes jusque chez la sorcière et lui expliqua le drame.

 

« Saperlipopette ! s’écria la sorcière, quel idiot votre mari ! Cette formule est adaptée pour les enfants, elle les rend sans voix jusqu’à la tombée du jour seulement et dès la nuit venue ils retrouvent leur voix, mais pour un adulte, c’est différent, il faut attendre la pleine lune ! Et la prochaine lune ronde ne viendra que dans une semaine ... Il lui faudra prendre patience ... » ...

 

... Le maître d’école passa la nuit suivante à écrire une lettre à ses élèves pour leur expliquer ce qui lui était arrivé et il dut préparer sa classe avec des activités où il n’aurait pas à parler. 

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Le lendemain matin, à l’arrivée des élèves, ceux-ci pensèrent d’abord que leur maître leur jouait un bon tour et qu’il ne voulait pas leur adresser la parole. Mais bien vite ils comprirent qu’il avait réellement perdu la voix. Le maître ouvrit alors le tableau où un texte leur racontait l'aventure qui lui était arrivée. La situation était vraiment dramatique et même ceux qui d’habitude n’écoutaient pas les propos du maître étaient tout tristes de cette situation. En effet, il fallait maintenant communiquer avec les petits mots que l’instituteur écrivait partout, au tableau, sur les cahiers, les bureaux, parterre à la craie, etc...

Le maître d’école tentait bien de se faire comprendre par des gestes mais les choses n’étaient pas faciles et certains faisaient l’exercice de maths dans le cahier de sciences et d’autres collèrent leur poésie dans le classeur d’histoire.

La journée fut difficile mais cette fois bien plus pour les élèves eux-mêmes que pour l’enseignant, et ils comprirent qu’ils avaient bien de la chance de pouvoir parler, que la vie des sourds et muets ne devait pas toujours être simple.

 

Le lendemain, le maître d’école qui ne pouvait envisager une seconde journée de galère, décida d’emmener ses élèves chez Mortadella pour découvrir la fabrication du saucisson.

Les élèves qui étaient ravis à l’idée de faire une sortie étaient un peu inquiets lorsqu’ils s’aperçurent du but de la visite, mais la présentation de Roger le canard les rassura bien vite et

Mortadella leur montra son élevage de grenouilles. Ils apprirent ainsi comment le têtard devenait grenouille et ils purent même en toucher.

Toute la semaine, le maître d’école conduisit sa classe chez la sorcière qui apprit plein de choses aux enfants. Pourquoi la lune n’est pas toujours ronde, ce que mangent les rapaces et dont on peut retrouver les restes dans des pelotes, tous les fruits que l’on trouve dans la forêt, et mille choses encore ...

Le canard lui-même était extraordinaire, il était capable de compter jusqu’à plus de vingt. Il répondait aussi aux questions par ‘’coin, coin’’ pour dire oui, et ‘’coin, coin, coin, coin’’ pour dire non ! ...

 

Le samedi soir devait être celui de la pleine lune...

chapeau

 

Aussi tout le monde se rendit chez Mortadella et Roger car les élèves voulaient s’assurer que leur maître allait retrouver la parole. Il y avait beaucoup de monde dans la petite maison de pierres et beaucoup de bruit aussi entre les histoires et les cris des enfants et les ‘’coin coin’’ de Roger. On discutait beaucoup en attendant la tombée de la nuit sauf bien entendu le maître d’école qui ne participait que par de grands gestes. Soudain dans l’un de ses larges mouvements, il fit tomber le grand chapeau noir que Mortadella avait enfilé pour cette réception, et on entendit :

« Oh excusez-moi Mortadella, je suis bien maladroit ! »

 

D’un coup les élèves se retournèrent, le maître d’école porta la main à sa bouche, tout le monde s’écria « hourra ! Le maître a retrouvé la parole ! »

Tout le monde sortit, la lune était bien là, toute ronde, pleine de lumière jaune comme pour illuminer la petite clairière. Le maître d’école se mit à chanter la chanson de la sorcière enchantée reprise en chœur par ses élèves et accompagné de quelques ‘’coin, coin’’. Mortadella sortit de ses réserves du sirop d’érable, de fraises des bois et de mûres, les cakes aux fruits des bois qu’elle avait préparés, ainsi que des tablettes d’un excellent chocolat vert dont on n’a jamais pu connaître la recette. On dansa la danse du balai et bien sûr celle des canards avec Roger en tête de file et la fête dura toute la nuit.

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Depuis ce soir là, la classe a repris son cours normal et les élèves très studieux progressent à grands pas. Le maître d’école n’a pas eu à se servir de la baguette magique qui est restée accrochée au dessus du tableau. Une araignée y a même tissé sa toile et l’on voit souvent un élève qui réfléchit, fixer du regard cette baguette en pensant à Mortadella et Roger.

A chaque nouvelle saison le maître conduit sa classe jusqu’à la forêt pour une leçon de sciences mais jamais il n’oublie de prendre au passage son amie Mortadella ...

 

 

Ainsi les sorcières ne sont pas toujours méchantes et les gens ne sont pas toujours ce que l’on croit qu’ils sont. Il faut parfois prendre le temps de mieux les connaître pour mieux les apprécier qu’ils soient grands, petits, noirs ou blancs, timides ou exubérants ...

Pensez-y, sachez écouter ceux qui ne disent rien, et osez répondre à ceux qui ont tant à dire ...

 

        James NAR

 

 


N.B. Si vous souhaitez une exploitation pédagogique de ce conte pour des élèves de cycle 2 ou cycle 3, contactez-moi ... 

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